Un possible autoportrait

 

 

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une amie m'a envoyé cette photo. je ne me souviens plus de quand elle date. je suis assis sur le bord d'un chemin. ce doit être l'été. j'ai les genoux repliés, les bras appuyés dessus. la tête tournée vers quelque chose qu'on ne voit pas. je tiens, devant moi, un livre que je viens de refermer. sur la photo, on ne sait rien de ce qui m'entoure. ou pas grand chose. on ne voit personne. rien d'autre que mon visage, cadré pour qu'il n'occupe pas tout à fait le centre. j'ai encore cette tignasse noire et ces lunettes qui me mangent les yeux. sans doute dérangé dans ma lecture, j'ai cette moue soudaine : bouche ouverte à demie, regard presque noir et cet air renfrogné lorsque je me retourne.

même si je sais que c'est moi, même si je me reconnais parfaitement, je doute que ce soit mon visage. je doute de la réalité de cette scène. ce “doute” est peut-être ce qui me fait écrire.

Olivier Domerg : autoportrait

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je me souviens très bien du lieu et du moment. c'est à Bourges. je suis avec quelques amis, nous venons de boucler la promenade des marais. il fait lourd. nous nous sommes arrêtés quelques instants sur la berge pour nous reposer. la lumière est encore belle. j'en profite pour prendre quelques photos de ce qu'on ne voit pas. reflets dans l'eau, saules, barques à fond plat immergées. rectangles des jardins ouvriers que découpent les canaux. revenant vers le groupe, je le vois absorbé par la lecture d'un livre acquis le matin même. je l'appelle au moment où je déclenche l'appareil.

quand il se retourne, la moitié de son visage se retrouve soudain exposé à la lumière. gêné, il plisse les yeux. je le cadre de trois-quarts avec l'arbre derrière. la photographie est une manière de se taire.

Brigitte Palaggi : portrait

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