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Une autre intimité

 


L'intimité : ce qui vous touche ? ce qui vous est proche ? ce avec quoi vous vivez tous les jours ?

La photographie amateur ou non n'est peut-être qu'une tentative de coller à cette intimité, forme de réalité personnelle ou affective.

Cinq photographes proposent de nous rendre différente cette autre intimité, par leur regard décalé usant du jeu biographique, de "la conversation avec la lumière", de l'inventaire familier, du dévisagement, de la réflexion sur la confusion et la limite de l'image.

 

 

présentation

Cette exposition s'articule autour des œuvres conjointes de Denis Bernard, Christian Bonnard, Aliette Cosset, Jean Lewinski, Brigitte Palaggi, et donne à voir cinq états de la création photographique contemporaine.

Une Autre Intimité : c'est, d'abord, cinq photographes singuliers, cinq œuvres irréductibles à ce seul projet. Il y a donc eu, pour AUTRES ET PAREILS, le désir de réunir ces artistes autour d'un projet d'exposition commun dont ils ont choisi le thème.

Au résultat, on a cinq propositions photographiques différentes, reflet d'une richesse de traitement et de création :

Denis Bernard a choisi de travailler sur "le grain", "la structure granulaire" de l'image photographique et son agrandissement - et donc, sur l'intimité de la matière photographique ;

Christian Bonnard met en scène une réflexion sur "l'image circulaire" et sur le "cadre" à partir d'un simple bouquet de fleur. Pourquoi recadre-t-on à l'intérieur d'un cercle ? et comment se comporte le sujet dès lors qu'on doit le faire "entrer dans le cadre" ?

Aliette Cosset, pratique une "photobiographie de l'enfance", à travers une série de portraits d'un frère et d'une sœur, commencée depuis une dizaine d'années ;

Jean Lewinski traite du dévisagement, d'une pratique étrange du portrait. Pris de près (voire, de très près), visages et corps se révèlent autres ou s'effacent, n'ont plus rien de réels ; surtout si l'on fait jouer l'environnement immédiat (lumière indirecte, élément liquide, etc.), le mouvement (geste, vitesse, déplacement) et le tirage (virage de couleurs, saturation des teintes, etc.) ;

Brigitte Palaggi, enfin, traque nos intimités à travers le familier étalage (secrets, sensuels ou dérisoires ?) de "nos étendages" et de nos "intérieurs" ("les ombres du quotidien") ;


Au demeurant, ces artistes posent, chacun à leur façon, la question de la photographie par rapport à l'intime, mais aussi par rapport à sa toujours jeune histoire, notamment dans les relations ambigues qu'elle entretient avec la peinture (portrait, cadre, etc.) et avec la littérature (autobiographie, narration, etc.).

 

proposition

La question qui hante Une Autre Intimité est celle de la photographie pour elle-même et par elle-même. L'intimité photographique se déclinant, ici, dans des travaux menés conjointement sur la "confusion et les limites de l'image" (D. Bernard), sur le "cadre" (C Bonnard), sur la "trace et l'indice" (B. Palaggi), sur le "dévisagement" (J. Lewinski) ou encore sur une tentative de "portraits au long cours" (A. Cosset).

 

contenu

Une autre intimité se compose de :

« Face » d'Aliette Cosset (20 photographies en noir et blanc + couleur, format 40x40 cm) ; Bouge pas comme ça ! de Jean Lewinski (20 photographies en couleur, format 50x40 cm) ; Les étendages (installation photographique, 20 photographies de format 35 x 40 collées sur des supports flottants lesquels sont attachés à un fil à l'aide d'épingles à linge) et Les dentelles (20 photographies en noir & blanc de format 18 x 24 cm montée sur un support carton 30 x 40 cm recouvert de dentelles en noir et blanc, format 30 x 20) de Brigitte Palaggi ; Images [en corps] et Poussières de Denis Bernard (20 photographies en noir et blanc, format 50x70) et Nouvelle petite histoire de la photographie de Christian Bonnard (dispositif photographique). Cf Autres & Pareils, La Revue n°8.


Face in "Une autre intimité 4", photographies noir et blanc,
30 x 30 cm, médiathèque la durance, Cavaillon, juin 2003
© Aliette Cosset

 

contact

Olivier Domerg au 04 42 42 09 55
Autres et Pareils
Bâtiment C12
Résidence Paradis St-Roch
13500 Martigues.

 

 

 

 

 

Une autre intimité
introduction


Enoncé 1

Peut-être qu'il y a du linge qui sèche. Peut-être que si l'on entre, on aperçoit une chambre, avec des portes de placard ouvertes sur une garde-robe. Peut-être aussi, qu'à l'intérieur, on peut voir un bouquet de fleurs sur un meuble (à moins que tout ceci ne soit qu'une peinture dans son cadre). Et, en avançant encore, peut-être qu'on voit des gens, des corps... torse nu, mouvement d'un bras, arrondi d'un sein... Au-delà, en s'aventurant plus loin, c'est-à-dire plus près, il est fort à parier qu'on voit du grain ! Grain de peau ou grain de beauté, mais du grain ! C'est à dire l'image ! De l'image... l'intimité même de l'image.

 

Une autre intimité
cinq propositions

 

Images [en corps] (détails)
Denis Bernard


amorce : Morceau de film ou de bande magnétique utilisé pour la mise en place du dispositif. (Lar.). Ce morceau, sorti de la bobine, est pincé entre deux feutres qui garantissent l'étanchéité à la lumière. Ces feutres produisent leur image par contact, "noircissant" le film dans son épaisseur au moment de refermer le dos de l'appareil photo. Cette image est rarement conservée...

« Le grain que l'on aperçoit sur le [tirage agrandi] n'est pas du tout le grain du [négatif] mais l'image des trous laissés entre les amas de grains, ces trous étant considérablement plus gros que les grains d'argent même. » P. Glafkidès. 1967.

agrandissement : phot. Epreuve amplifiée obtenue en partant d'un cliché plus petit. (Lar.).

Ugo Mulas, photographe italien, a réalisé, de 1970 à 1972, un ensemble de 14 œuvres, intitulées "Vérifications", dans lesquelles chaque image, légendée d'un texte, dévoile un pan de l'identité de la photographie.

La vérification 1 (hommage à Niepce) met en œuvre la bande pelliculaire (« le film ») et plus particulièrement l'amorce et la fin du rouleau, comme deux lieux de présence et de rencontre de la matière photographique brute avec l'image.


Images [en corps] in "Une autre intimité 2", photographies noir et blanc, 50 x 60 cm,
Théâtre des Salin, Martigues, juin 1998
© Denis Bernard

Dans la vérification 5 (l'agrandissement, le ciel, pour Nini), Mulas agrandit à l'extrême un fragment de ciel, au point de ne plus y lire que la structure granulaire de l'image : « À ce stade, le ciel disparaît et l'on ne distingue plus qu'une surface granuleuse. L'élément qui domine sont les concrétions de sels d'argent, en réalité le grain ; et l'on s'aperçoit que l'on pourrait obtenir une image semblable en photographiant un mur : signe que l'image est réversible, interchangeable ».

Les images présentées prolongent les vérifications 1 et 5 de Mulas.

J'ai reproduit des fragments d'amorce, que j'ai ensuite agrandis jusqu'à la lecture de la structure granulaire. Une colline, se détachant sur fond de ciel, s'est prêtée au même exercice, et, dans la rencontre des arbres avec le contre-jour (la crête visible de l'horizon), s'est transformée en amorce.

En regardant de près comme de loin ces images, c'est aux passages "réversibles" des ombres avec la lumière, que l'épaisseur de ces matières invite.

Images [en corps] - (détails) concluent temporairement un cycle de photographies engagé depuis 1985, et se veulent, modestement, un hommage à Ugo Mulas.

 


2 x 7 (Nouvelle petite histoire de la photographie)
Christian Bonnard

La vue est le mouvement premier de la Connaissance.

Le champ visuel, embrassé par les mouvements de notre œil, affecte une forme sphéroïde ; un espace engendré par la ligne courbe et non par la ligne droite comme l'ont voulu les théoriciens de la Renaissance.

Le sténopé, petit trou de la Camera Oscura, qu'il soit de forme triangulaire, quadrangulaire ou circulaire (comme l'objectif photographique construit), trie les rayons lumineux et génère toujours des images circulaires.

 


2 x 7 in "Une autre intimité 4", photographies noir et blanc, 40 x 40 cm,
médiathèque la durance, Cavaillon, juin 2003
© Christian Bonnard

En occident, après si peu de pratique de l'image circulaire hormis les tondos (portraits circulaires) du quattrocento florentin et les portraits miniatures des XVIIe et XVIIIe siècle, l'Essence même de la photographie, le cercle, fut indexée par les désirs (choix) de l'inventeur. Nicéphore Niepce ne désirait-il pas, avant tout, comme il l'écrivait : "... reproduire et fixer de belles gravures anciennes" ?

Mise au cadre dans la foulée de son avènement, la photographie comme son sujet, ici un bouquet de fleur offert au spectateur, disparaissent, obéissant ainsi aux lois de l'Esthétique, au "cadre" de l'idéologie.

Il y a l'histoire de ce bouquet, de son intimité surprise à différents moments de sa brève existence. La relation au bouquet est contrainte par l'histoire (du cadre) de la photographie. Tout est dit. Les images fanent aussi. Le bouquet est détruit pour qu'il puisse "entrer" dans le cadre.

Le cadre, format photographique carré ou rectangulaire, est ainsi l'occasion et le lieu d'un oubli (celui de l'image circulaire).

Que tout perdure... la trace... infinie... d'une AUTRE INTIMITÉ.


Paris 1992 - Mirabel-aux-Baronnies 2003.


« Face »
Aliette Cosset

« Face », s'est mis en place, sur un minimum de contraintes :

   • Faire une série de portraits, en parallèle, d'un frère et d'une sœur – surplusieurs années, sans toutefois fixer de limite dans le temps. J'ai commencé en 1992, je poursuis encore aujourd'hui. C'est, donc, un travail au long cours, une série ouverte.

   • Je prends une ou plusieurs photographies par an (toujours, au moins une).

   • Les prises de vue ont lieu, indépendamment, en intérieur ou extérieur. Le choix du lieu, de la pose, se fait avec les enfants, selon l'inspiration du moment. Bien entendu, ce travail ne pouvait se poursuivre que dans une relation privilégiée et complice avec eux.


Face in "Une autre intimité 4", photographies noir et blanc, 30 x 30 cm,
médiathèque la durance, Cavaillon, juin 2003
© Aliette Cosset


« Face », est dans l'attitude photographique, le choix de la frontalité, avec l'idée de "faire face" au sujet ; de le prendre tel qu'il est et se présente : pose, vêtement, humeur, environnement. « Face », est une façon d'envisager (ou dévisager) la chose, les choses, littéralement. D'ailleurs, l'utilisation au départ d'une chambre photographique, le choix d'une vitesse lente, et donc, d'un temps de pose long, relève de cette idée : hyper-netteté de l'image au premier et second plan, hyper-réalisme également. Depuis 1997, j'utilise un moyen format.

« Face », c'est aussi "la face" : le portrait d'un frère et d'une sœur, effectué en parallèle, sur une longue période de temps, de l'âge de huit-dix ans à maintenant où ils en ont seize et dix-huit — série en cours !

« Face », c'est enfin le "face à face" qui perdure entre la photographe et ces enfants, et ce qu'ils partagent depuis le début de la série : cérémonial de la préparation, conversations, concentration, gravité du "temps de pose", jeu des repérages et des variations, etc.


Face in "Une autre intimité 4", photographies, 30 x 30 cm,
médiathèque la durance, Cavaillon, juin 2003
© Aliette Cosset

Ainsi, trois principes guident ce travail :

• Prendre ces enfants dans leur quotidien, sur leur "lieu de vie", et dans la tenue qui est la leur.

• User du paysage si particulier de Port-St-Louis-du-Rhône ; son côté mouvant et émouvant, ville abandonnée, terre incertaine entre fleuve et mer.

• Laisser monter une certaine "gravité" pendant l'installation du matériel et le temps de pose ; jouer sur cette sorte de "mise en scène", à l'ancienne, du photographe devant son modèle : appareil sur pied ; calcul des paramètres ; peu d'images à la fois (car une image = un négatif) ; tension, attention redoublée ; drap noir recouvrant le visage au moment de déclencher.

 


Bouge pas comme ça !
Jean Lewinski

 

Bouge pas comme ça ! in "Une autre intimité 4", photographies
couleur, 30 x 40 cm, médiathèque la durance, Cavaillon,
juin 2003
© Jean Lewinski

... Je ne sais pas quoi dire "d'intelligent" sur ces photos ...
... même si c'est (c'est) réducteur de se contenter de l'aspect - technique -, je crois (et encore !...) que c'est la seule base solide ...
... c'est une amorce ...
... les photos ... chacun y voit ce qu'il veut ... ( ... moi, je ne vois pas grand chose ...) ... donc :

Technique : Films-diapos (positifs) lumière du jour développés dans une chimie de Films-papier (négatifs). Les laboratoires appellent - ça - : Traitement croisé ( ... c'est joli) ... Ils disent aussi ... : Faire des E6 dans du C41 ( ... c'est plus
- obscur - .... ) ...


Bouge pas comme ça !
in "Une autre intimité 4", photographies
couleur, 30 x 40 cm, médiathèque la durance,
Cavaillon, juin 2003
© Jean Lewinski

Films utilisés : Après beaucoup de tâtonnements - et d'erreurs, et d'échecs - ... après avoir essayé quasiment tous les films - diapos disponibles (dont les défuntes Panther / Kodak ... remplacées désormais par les excellentes kodak / E100S) ... je reste fidèle aux Agfa RSx200 - dont je connais les qualités et les limites ...

Lumières : Un téléviseur 65 cm allumé dans une pièce plongée dans le noir ... et aussi : halogènes, flashes (dont stroboscopique), tungstènes, lampes de poches, torche sous-marine ... plus rarement - la lumière du jour - ...

Couleurs / Tirages : A quelques exceptions (photos du début), toutes les photos auront été tirées par 2 personnes : Carole SCHMIT et Alain LETOUZÉ ... et avec les conseils - techniques - au même Labo / Fnac - Espace Image Paris de Sylvie CHATEIGNER ( ah ! Sylvie !!... ) ... long travail sur les couleurs ( tests couleurs sur - mesures ... nombreuses recherches ... ) ...


Bouge pas comme ça ! in "Une autre intimité 2", photographies
couleur, 30 x 40 cm,Théâtre des Salins, Martigues,
juin 1998
© Jean Lewinski

Format : Hélas limité (30 x 45 cm) par les possibilités des machines du Labo sur place ( machine semi-manuelle ) ...

Sujet : - donc : DE PRÈS ... Les Intimités etc. ... ( ... et parfois - un peu - DE LOIN ... ) ... choix de travailler avec des modèles (60 à 80 % des photos sont - le modèle ... ses intuitions ... ) ...

Pour certaines (avec le téléviseur dans la chambre en haut) : mêmes contraintes (bouger dedans ... ) ...
Les autres photos apparaissent alors comme les Variantes, les Développements, les Déviations, les Réactions aux précédentes ...

...

 


Les étendages
Brigitte Palaggi

Les étendages = Les dessous du quotidien.

Sur un fil se dévoile impudiquement une vie.


Les étendages in "Une autre intimité 2", installation, photographies
couleur, 40 x 50 cm, Théâtre des Salins, Martigues, juin 1998

Travail réalisé sur des lieux divers en France sur une période de douze ans.

Photographies couleur, à l'évidence.



Les dentelles
Brigitte Palaggi

Travail sur les “ombres du quotidien” d'un même appartement durant deux saisons (hiver, printemps).

Contraintes :

Première contrainte. Ces photographies sont prises dans un seul lieu, à savoir les deux pièces d'un appartement.

Deuxième contrainte. Les ombres sont surprises toujours aux mêmes heures (entre 15 h et 15 h 30) et aux mêmes jours (samedi et dimanche).

Troisième contrainte. Prises de vue à main levée.


Les dentelles in "Une autre intimité 3", photographies 18 x 24 cm,
Médiathèque, Gardanne, 2000

Lumières :
Les objets quotidiens reçoivent ici un éclairage tamisé par la dentelle (« une chiche lumière »).

Principes :
Principe 1. C'est une histoire de lumière. L'histoire de cette lumière qui traverse claustre, vitre, rideau, dentelle et qui échoue sur les objets, meubles, ustensiles, formes les plus courantes, qui peuplent notre quotidien.

Principe 2. Ce qu'elle poursuit : l'ombre, les ombres, à travers voiles, rideaux, cannisses et bandes verticales du claustre. Le jeu des ombres portées. Les variations infimes des ombres « du quotidien » que l'œil ne perçoit plus, à force de les voir, de les avoir vues, de ne plus les voir.

 


énoncé 2

On peut penser que le spectateur fabrique l'histoire. Dès qu'il entre dans la salle, il produit quelque chose comme une tension ; une tension narrative. Il se déplace d'un point à un autre, dans une salle close où entre de la lumière. Il voit ou ne voit pas. Il veut voir ou ne pas voir. À sa façon, il écrit l'histoire. À sa façon, chaque spectateur qui rentre projette ses images. Il vient avec son intimité. Il pense avec son intimité. Il intime ce qu'il va voir, dans la mesure bien entendu où il voit. ON PEUT PENSER AUSSI qu'il puisse être effrayé, déstabilisé ou indisposé par ce qu'il voit, et qu'il ressorte par là où il est entré. Mais on ne retiendra pas cette hypothèse. Il entre, il doit entrer, car c'est à lui d'écrire l'histoire. C'est à lui que cela s'adresse. Que cela est destiné. IL FAUT QU'IL ENTRE DANS LE CHAMP, qu'il se projette dans la salle, que l'appareil fonctionne, que la plaque s'imprime, que l'émulsion chimique se fasse, qu'il y ait "image". Chaque image en tout point identique et absolument différente selon la personne qui entre. Bref, pour parodier une phrase célèbre, on pense que "ce sont les regardeurs qui font les photos."

"CE SONT LES REGARDEURS QUI FONT LES EXPOS."

 

 

Pour en savoir plus

 


Une autre intimité
fiction liminaire

Pourquoi vous levez-vous le matin... vous habillez-vous ?...

Pourquoi en embrassant celle ou celui que vous aimez, vous ne devenez pas l'autre...

Pourquoi ne disparaissez-vous pas quand on referme une porte derrière vous...

Pourquoi aimez-vous bien cette vieille chemise, cette nouvelle paire de bas sexy en dentelles, cette théière quelconque...

Pourquoi parfois vous ne vous reconnaissez pas au détour d'une glace...

Pourquoi parfois vous prend-t-on pour quelqu'un d'autre...

Pourquoi parfois préférez-vous ne pas répondre quand on vous appelle par votre nom...


Cinq photographes ont tenté de ne pas répondre à ces questions... Ils se sont frottés à l'intimité. Par leur travail, ils ont tenté de voir en quoi elle concentre ce qui est nous et ce qui nous sépare.

Cinq photographes, cinq approches.

A-t-on déjà tenté de vous approcher ainsi ?

Etes-vous près à vous laissez faire le temps d'une exposition ?

 


Tous les ans (et, souvent, plusieurs fois par an), Aliette COSSET viendra vous photographier, enfant, tel que vous êtes mis, chez vous ou au dehors. Vous la verrez venir, avec tout son matériel, installer sa chambre ou son 6x6, prendre quelques portraits, et puis, repartir. Vous reprendrez la conversation où vous l'aviez laissée, la fois précédente. La "conversation avec la lumière", la conversation avec l'enfance. Chaque fois, en la voyant, vous saurez que vous avez grandi. Que vous n'êtes déjà plus le ou la même, sans être pour autant quelqu'un d'autre.

Les photographies vous racontent. Elles égrènent les étapes de votre méta-morphose, le livre de votre temps. Elles vous rappellent que tout moment n'est qu'une cachette précaire et éventée... que sauter d'une image à l'autre ne vous permettra jamais de remonter le cours de l'enfance. Jamais.

Il paraît que cette année, la tendance est à l'adolescence et aux paysages intenses, sis à l'extrémité du département (Port-Saint-Louis, Bouches-du-Rhône).

 

Christian BONNARD viendra vous offrir des fleurs.

Mais avant de venir jusqu'à vous, il regarde ses fleurs, elles dépassent de partout - ça fait désordre -, vont-elles vous plaire ? Il s'inquiète, il taille un peu ici, un peu là, part en vacances, oublie de revenir, revient, les fleurs sont des restes de fleurs et vous (vous, vous êtes la voisine d'en face), vous vous demandez pourquoi ne rentre-t-il pas vite m'embrasser, m'offrir vite ses fleurs, pourquoi tarde-t-il, c'est le moment ou jamais, vous souriez derrière la porte, prête à s'ouvrir dès qu'il sonnera bouquet en main, vous regardez ce qu'il manigance à travers l'œilleton, vous réagencez votre mèche en accroche-cœur, vérifiez par réflexe votre jupe un peu serrée quand même, mais lui, lui, il reste dehors à se demander si les fleurs vraiment vous plairont, si vraiment elles iront avec vos yeux, votre chambre, votre intérieur.

C'est un jeu délicat, un jeu de massacre.

Qui gagnera du bouquet ou du photographe ? Rose s'interroge...

 

Brigitte PALAGGI viendra vous voir sécher en plein soleil. Elle comptera vos enfants, vos chaussettes dépareillées, vos solitudes.
La retenue de cette photographe fait de ce reportage des dessous du quotidien une histoire en pente douce, jamais méchante, toute dans l'humour involontaire de chiffons au vent.

Personne n'échappe à la lessive, au grand blanc.

Je me souviens que l'on disait jadis - passer au bleu -, et quand Brigitte PALAGGI vous regarde de sa fenêtre ou de la rue, elle veille à garder un coin de ciel dans le cadre.

 

Il est arrivé une chose merveilleuse à Denis BERNARD. Il est tombé par erreur chez-nous - à l'échelle humaine -. Il vient d'un monde minuscule, un monde pour lequel nous sommes si grands, si gigantesques, si hénaurmes que nous n'existons pas pour ces habitants, comme ces habitants ne sont rien pour nous. Si petits, si loin de nos yeux.
Denis, lui, se souvient de son pays, comme Gulliver ; personne ne le croit quand il raconte son histoire (et pourtant il a des preuves !), il reste calme, il nous envoie des cartes postales où des grains de poussières argentées s'agencent pour donner forme à un paysage - dans le lointain -, à des chaînes de montagnes dans les nuages, des montagnes où le plus haut sommet culmine à quelques millièmes de millimètres.

Denis BERNARD nous emmène chez lui et nous perd avec lui.

De temps à autre, il dit comme pour lui : - Ne pas oublier la base de la photographie... ah ! j'ai encore ça à vérifier...

Il est en avance d'une longueur infime et décisive.

 

Comme Jean LEWINSKI est celui qui a le plus écrit des cinq, on pourrait se croire en sécurité. On regarderait ses photos, on lirait ses textes, on comprendrait tout.

Mais voilà, il y a chez lui multiplication des angles d'attaques, des tentatives abandonnées, de fausses impasses, des gestes de diversion, des ratés, des fausses pistes, de vrais silences, des images cachées, des photos offertes, des photos avec quelqu'un et des photos avec - personne -.

Un groupe de filles (très Spice Girls, elles répondent au doux nom des alices) nous en apprennent un peu plus (à moins qu'elles tentent aussi de brouiller les cartes ?) :

[...]
188. me taire - avec toi ne me gêne pas - des rires beaucoup après la dernière prise de vue - rester accroupie et voir le jaune de la fausse nuit et le noir à quatre-vingt-dix pour cent

189. un fond de teint très pâle les lèvres au noir assise - à dix centimètres de la télé allumée que ton visage devienne un écran cadré serré objectif de cent trente-cinq on ne voit pas la chambre cela pourrait être n'importe où même - chez moi ?

190. deux mètres à distance une seconde de pause pied à hauteur maximum - à hauteur des yeux légère contre-plongée je t'ai promis - que l'on ne te reconnaîtrait pas - seulement

191. deux semaines de suite tu as voulu cela la première fois n'ayant été qu'une répétition générale le film n'ayant pas été enclenché - que veux-tu en faire ? les travailler
[...]

Extraits tirés du texte Les alices + 1 de Jean Lewinski, éd. Sisyphos

 

 

Une autre intimité
Communiqué de presse

Parler de l'intimité revient souvent à parler de soi, à se retourner sur soi ; puisque l'intimité c'est vous, c'est moi, c'est tout un chacun... Dès lors, on comprend qu'un tel exercice puisse devenir assommant, surtout quand on flirte avec le banal ou un quotidien commun à tous. La difficulté, avec un tel sujet, est somme toute de ne pas y tomber. De ne pas céder à la pente autobiographique. De résister à la tentation du journal "intime", aux facilités du genre ; bref, de bien cacher son "je" ! C'est ce qu'ont bien perçu les cinq photographes de l'association AUTRES ET PAREILS, en réussissant le pari de travailler sur "l'intimité" sans se départir d'un angle d'attaque original et d'une réelle audace plastique.

En cinq propositions distinctes, clairement identifiées, UNE AUTRE INTIMITÉ, se décline comme une réflexion croisée - sur la structure granulaire de l'image (Denis Bernard se penche sur l'intimité de la matière photographique) ; sur l'existence et la disparition d'un bouquet de fleur (l'occasion pour Christian Bonnard de nous entretenir d'une "nouvelle petite histoire de la photographie") ; sur une incroyable série de portraits en buste ou en pied, "bougés" ou "saturés" (Jean Lewinski y dévisage ses contemporains dans leur élément naturel ou non) ; sur la vie secrète des étendages et ce qu'ils révèlent sur nous - (Brigitte Palaggi interroge ces linges qui sèchent sur nos étendages en dressant un "inventaire" aussi insolite que sensuel) et sur la "photobiographie" d'un frère et d'une sœur (Aliette Cosset tente dans « Face » une série de portraits de deux enfants de l'âge de 8-10 ans à 16-18 ans).

Ces pratiques, légèrement décalées dans leur approche ou dans les recherches qu'elles ont suscitées, posent, chacune à leur façon, la question de la photographie dans son rapport à l'intime, mais aussi dans son rapport à sa toujours jeune histoire (rappelons que la photo n'a guère plus d'un siècle d'existence) et à son environnement culturel immédiat ; notamment dans les relations ambiguës qu'elle entretient avec la peinture (le portrait, le cadre, etc.) et la littérature (la narration, l'autobiographie, etc.). Au-delà de ces simples références picturales ou narratives, UNE AUTRE INTIMITÉ prouve, une nouvelle fois, que la photographie est une activité artistique autonome. Et que cette intimité dont on parle n'est peut être que celle de la photographie, telle qu'elle se montre, se pense et s'affirme.

Cette exposition a été recréée à la Médiathèque la Durance à Cavaillon du 13 juin au 13 septembre 2003. Elle s'accompagne de lectures en lien avec le thème et de conférence photographique (notamment de Denis Bernard).


© Les artistes participants / Autres et Pareils, 2005.